
La Nourrice et l'enfant. De Greuze à Daumier
Le XVIIIe siècle est, en France particulièrement, celui de la famille, d'une famille progressivement resserrée où la place de l'enfant est croissante. Paradoxalement, c'est aussi celui où la mise en nourrice se développe et tend à se généraliser jusqu'à la fin du XIXe siècle.
Cette apparente contradiction se traduit par le développement d'un arsenal législatif et réglementaire, le Code des nourrices, promulgué en 1781, qui encadre cette pratique à laquelle personne ne reste indifférent. Parallèlement, médecins, philosophes, moralistes soulignent les risques de l'allaitement nourricier mais s'accordent à convenir que l'état de la société et celui des mœurs ne permettent guère d'y renoncer.
Les artistes – dessinateurs, peintres et graveurs tout particulièrement – se saisissent de ce thème et ne tardent pas à en faire, bien plus qu'un simple motif anecdotique propre à animer des scènes de genre, un sujet à la fois grave et pathétique. Départ du nourrisson, retour de l'enfant sevré, séparation d'avec la nourrice et retrouvailles douloureuses sinon impossibles avec les membres de sa famille : c'est Jean-Baptiste Greuze qui, parmi les artistes du XVIIIe siècle, a le mieux su donner forme à ces drames familiaux, avant que les graveurs et romanciers du siècle suivant – Grandville puis Daumier, Alphonse Daudet et Émile Zola – s'en emparent sans ménagements, sur un mode renouvelé, celui du réquisitoire ou de la satire des mœurs de la bourgeoisie.